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Christian Cassayre, directeur financier d’Eiffage : « Le conseil d’administration tiendra compte en 2021 de l’absence de distribution cette année »

La publication des comptes semestriels de ce numéro trois français du BTP et des concessions était l’occasion de donner la parole à Christian Cassayre, son directeur financier, pour faire le point sur une première partie d’exercice atypique à bien des égards et se projeter sur les perspectives de ce très beau dossier.

Christian Cassayre, directeur financier d'Eiffage
Christian Cassayre, directeur financier d’Eiffage

Quel regard portez-vous sur les comptes du premier semestre ?

Christian Cassayre : Sans surprise, les comptes sont fortement pénalisés par la Covid dont l’impact s’est traduit au deuxième trimestre par des baisses sensibles de volume, à la fois en travaux et dans les concessions, qui n’ont pas permis de couvrir les frais fixes comme par le passé. La forte contraction de l’activité n’a heureusement pas été linéaire sur l’ensemble du deuxième trimestre et a laissé place à une reprise des volumes et du trafic autoroutier puisque notre concession APRR affichait un niveau de trafic sur juillet-août proche de celui de 2019. Concernant les travaux, l’activité a baissé deux fois plus en France qu’à l’international (- 21,7 % contre – 11 %) en raison des mesures plus strictes prises dans l’hexagone qui ont entrainé l’arrêt de la plupart des chantiers pendant un mois et demi. Malgré tout, ce semestre à l’épreuve de la crise sanitaire a montré la résilience de notre business model de constructeur-concessionnaire avec une marge opérationnelle courante positive bien qu’en baisse à 3,8 %, des flux de trésorerie opérationnels positifs (avant investissements) et une perte nette limitée à 8 millions d’euros compte tenu d’un effet de saisonnalité important dans nos métiers. Enfin, alors que nous avons réalisé des acquisitions significatives, notre endettement net n’a augmenté que de 200 millions d’euros sur 12 mois pour s’établir à 10,9 milliards d’euros.

Chiffrez-vous l’impact de la crise sanitaire ?

C. C : Compte tenu de la performance des deux premiers mois de l’année -en ligne avec la tendance de 2019 -et d’un carnet de commandes très robuste-, Eiffage aurait dû en l’absence de la crise sanitaire réaliser un premier semestre au moins équivalent à celui de l’an dernier. En travaux, la marge a chuté à – 2,5 % (contre 1,6 % un an auparavant), soit un recul de 4 points attribuable à l’épidémie (- 6 points en France et – 2 points à l’international pour les métiers du BTP hors énergie services et immobilier). Au final, le manque à gagner en termes de chiffre d’affaires est évalué à 1,8 milliard d’euros dont 1,4 milliard d’euros pour la partie travaux et 400 millions d’euros pour les concessions, et à un peu moins de 600 millions d’euros en résultat opérationnel.

Comment se déroule la reprise de l’activité dans le BTP et dans les concessions ?

C. C : Cette crise a eu des effets négatifs très importants sur les volumes avec cependant un redressement rapide selon les métiers. Tous nos chantiers ont redémarré et le trafic autoroutier s’est ressaisi. C’est, en revanche, un peu plus long dans les aéroports mais l’exposition du Groupe est limitée aux plateformes de Toulouse et Lille. La question est maintenant de savoir si cette reprise va se poursuivre sur les prochains mois. Beaucoup d’incertitudes subsistent notamment sur l’impact du télétravail sur le trafic autoroutier ou de nouvelles mesures de restriction des déplacements qui pourraient être prises en cas de deuxième vague épidémique. En travaux, après une période d’adaptation légitime aux gestes barrière, le Groupe a retrouvé un niveau de productivité proche de celui d’avant crise et saura rattraper le mois et demi d’arrêt sur les grands projets pluri-annuels.

Le carnet de commandes du Groupe est important. La dynamique commerciale est-elle repartie ou le process de décision s’est allongé ?

C. C : Effectivement, le Groupe disposait à fin juin d’un volume de nouvelles affaires record de 17,1 milliards d’euros en hausse de 15 %. Cette dynamique a été alimentée par le gain de très gros projets déjà en négociation avant la crise sanitaire. Nous venons ainsi de remporter la future autoroute A79 dans l’Allier, un PPP (partenariat public privé) pour une section de l’autoroute A3 en Allemagne et la réalisation de deux lots de la LGV (ligne ferroviaire à grande vitesse) HS2 en Grande-Bretagne. Ces contrats, comme ceux traités précédemment sur le Grand Paris Express, nous confèrent beaucoup de visibilité en grands projets. En revanche, la tendance est plus incertaine sur les affaires de plus petite taille en raison d’un ralentissement de la commande en provenance du bloc communal, qui est traditionnellement un donneur d’ordre important. Le décalage du deuxième tour des élections municipales a retardé le lancement d’appels d’offres et l’octroi de permis de construire. L’autre point de vigilance concerne le secteur privé et les entreprises évoluant dans les domaines industriels les plus affectés par la crise comme l’automobile, l’aéronautique ou la pétrochimie qui pourraient réduire leurs investissements. A ce stade, nous ne constatons pas d’annulations de commandes importantes mais demeurons vigilants.

Le Groupe s’était montré opportuniste avant la crise dans le renforcement de son pôle concessions. Va-t-il marquer une pause dans ses opérations de croissance externe ?

C. C : Le mérite des concessions est d’offrir des flux de trésorerie solides et récurrents dans le temps mais leur exploitation a une durée limitée par une date d’échéance prédéfinie. Notre travail consiste donc à réinvestir une partie des flux de trésorerie générés dans de nouveaux projets pour renouveler le portefeuille de concessions. Raison pour laquelle nous sommes en permanence à la recherche d’opportunités, notamment dans des projets dits « Greenfield » comme la future autoroute A79 dans l’Allier ou le PPP de l’A3 en Allemagne pour lesquels nous réalisons des opérations de travaux et exploitons ensuite la concession. Nous nous renforçons par ailleurs sur des concessions sur lesquelles nous sommes déjà présentes aux côtés d’actionnaires minoritaires. C’est ce que nous avons fait en rachetant cette année 2 % du capital d’APRR. Enfin, nous pouvons aussi prendre des positions sur de nouveaux actifs comme en 2018 avec l‘acquisition de 5 % du capital de GetLink ou le rachat en fin d’année dernière de 49,99 % du capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac. Eiffage s’inscrit toujours dans cette volonté de développement et dispose des marges de manœuvre suffisantes pour le faire (4,6 milliards d’euros de disponibilité). Toutefois, le contexte ne s’y prête pas forcément actuellement en raison du manque de visibilité concernant ce type d’acquisition.

Allez-vous continuer de renforcer votre position au tour de table de GetLink ?

C. C : Les événements du Brexit et de la crise sanitaire n’ont pas modifié l’intérêt que nous portons sur le long terme à GetLink qui présente l’avantage d’être une concession très longue (2086), au service d’un mode de transport peu émissif en carbone. Eiffage a acquis 5 % du capital à un cours moyen de 11 euros. Aujourd’hui, bien que nous restions intéressés, le prix d’entrée, qui est un paramètre déterminant, s’avère plus élevé.

La distribution d’un dividende est-elle envisageable au second semestre ?

C. C : Nous avions indiqué dès mars, au moment de l’annonce de la l’annulation du dividende, qu’il n’y aurait pas de distribution en 2020. Le conseil d’administration tiendra compte en 2021 de l’absence de distribution cette année.

Comment envisagez-vous le second semestre ? Délivrez-vous des perspectives ?

C. C : Nous ne disposons pas d’assez de visibilité sur les concessions pour nous engager sur une tendance de court terme qui peut être impactée par des restrictions liées à la crise sanitaire. En travaux, en revanche, le carnet de commandes nous donne une idée plus précise de l’activité envisagée sur les prochains mois. Nous tablons au second semestre sur un chiffre d’affaires travaux en léger retrait par rapport à la même période l’an dernier. Les niveaux de marge devraient également être un peu inférieurs à 2019 en raison d’un effet volume un peu moins important pour les activités de fonds de commerce et du coût, certes devenu marginal, des mesures sanitaires. Nous nous attendons à un 2e semestre de qualité, en repli limité.

Le Groupe dispose-t-il encore d’une marge de manœuvre pour améliorer le coût moyen de sa dette ?

C. C : L’essentiel a déjà été fait et le Groupe a profité au cours de ces dernières années d’un double effet d’aubaine lié à la baisse sensible des taux d’intérêt et à un coût de la dette  historiquement élevé. C’est ainsi qu’au premier semestre 2019, nos frais financiers avaient baissé de l’ordre de 100 millions d’euros. Sur la même période cette année, le coût de la dette a à nouveau diminué à hauteur de 11 millions d’euros. Bien que rien de significatif ne soit à attendre, nous cherchons en permanence à optimiser le coût moyen de la dette actuellement de 2,2 % (dont 1,6 % sur APRR) ainsi qu’à renforcer et à diversifier la liquidité du Groupe.

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